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le charme de l’histoire

les organisateurs de cette manifestation imprévue, ne crurent pas pouvoir s’abstenir d’y paraître. À côté d’elle marchaient avec résignation, et peut-être un peu pâles, les présidentes de quelques-unes des crèches de Paris, la vénérable duchesse de larmier, appuyée sur le bras du président de la Société des crèches ; puis deux prêtres catholiques, un pasteur protestant et un rabbin. Sur des bannières flottaient ces inscriptions : — Éducation populaire : Crèches, Asiles, Écoles, Apprentissage. — Laissez venir à moi les petits enfants. — Union des cultes. — Un boutiquier de la Chaussée d’Antin, sergent de la garde nationale, vit par hasard passer la manifestation ; il eut pitié de ces dames dont quelques-unes peut-être étaient ses clientes, et, pour les protéger par le prestige de son uniforme, il quitta son épicerie, prit d’office la tête du cortège, recruta en route quelques vainqueurs de Février qui flânaient le fusil sur l’épaule en chantant : « Mourir pour la patrie », et qui, entrant de suite dans leur rôle, firent énergiquement ranger les passants. La troupe charitable, se grossissant à chaque rue, traversa les barricades, dont les sentinelles étonnées lui présentaient les armes, arriva triomphalement sur la Place tumultueuse de l’Hôtel-de-Ville, fendit la foule et fut reçue par le Taire de Paris. Ce personnage se hâta, pour la congédier, de promettre une subvention de 300 francs aux cinq