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le charme de l’histoire

plus dangereux pour la morale et pour la paix publique »[1]. Plus tard, il exprimera plus énergiquement encore la même pensée, et, flétrissant ces secours publics « qui accoutument les citoyens, au lieu de vivre par le travail et de payer l’impôt, à vivre de l’impôt et à menacer la tranquillité de ceux qui le paient », il ajoutera ces paroles sévères : « Les dépositaires de l’autorité devraient savoir que lorsqu’on se mêle d’influer sur le sort des hommes en créant des secours publics, il faut agir gravement pour ne rien compromettre »[2]. Donner le secours sous forme de travail et de salaire, s’attacher surtout à prévenir l’indigence, tel fut le but de ses efforts.

Un fait bien ordinaire, devant lequel d’autres, rendus indifférents par l’habitude, auraient passé sans même le remarquer, devint pour lui l’occasion d’appliquer ces principes. Un jour il rencontra dans le Luxembourg trois tout petits enfants déguenillés qui semblaient abandonnés. Il les interrogea. Les malheureux n’avaient plus de mère. Leur père était employé, comme manœuvre, à ratisser les allées ; pour ne pas enfermer les enfants seuls au logis, il les emmenait avec lui et les laissait vaguer dans le jardin toute la journée, livrés à eux-mêmes, et

  1. Rapport fait en 1828 au nom des douze bureaux de bienfaisance de Paris.
  2. Manuel des fondateurs de Salles d’Asile, p. 49.