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le charme de l’histoire

son intelligence et son activité ont permis à son fils de dire de lui avec justice : « Partout où il passa, il laissa sa trace ». Et cependant, à la distance de quelques années, cette trace s’efface ; elle se confond avec celle de tant d’autres hommes distingués et oubliés, qui, eux aussi, ont été jurisconsultes, ou économistes, ou philanthropes. Mais un jour, en s’occupant des familles ouvrières, en se demandant ce que deviennent les pauvres petits enfants pendant que le père et la mère, chacun de son côté, travaillent loin du logis, Denys Cochin a organisé la Salle d’Asile ; voilà ce qui assure à son nom la reconnaissance de la postérité.

Il appartenait à une de ces vieilles familles bourgeoises qui n’ont jamais été rares à Paris, où les générations se transmettent religieusement un patrimoine de vertu et d’honneur, et qui passent inaperçues des observateurs superficiels, parce qu’elles ne sont jamais mêlées à ce qui fait du bruit. Depuis saint Louis la famille Cochin avait compté des hommes distingués au barreau, dans les arts, dans le clergé ; la piété, le travail, la charité, le dévouement à la chose publique y étaient héréditaires. Ces traditions invitaient Denys Cochin à s’occuper des pauvres ; ses sentiments personnels l’y portaient ; un grand deuil hâta et décida sa vocation. Jeune encore il eut le malheur de perdre sa femme, la mère d’Augustin Cochin. Les grandes