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jamais de l’esprit au cœur ». — Mme  de Motteville et Mme  de Sévigné l’avaient bien jugé. Il ne connaissait pas l’amour, il n’y croyait pas. Il ne croyait qu’à la galanterie, plus ou moins délicate, plus ou moins sensuelle ; à ce commerce amoureux qui n’est qu’une distraction de l’esprit et un plaisir des sens, qui masque le vide du cœur, et auquel seul peut s’appliquer cette pensée amère : « Il n’y a guère de gens qui ne soient honteux de s’être aimés quand ils ne s’aiînent plus » (71).

La galanterie, sans doute, est de tous les temps, comme le libertinage, cette parodie de l’amour. De nos jours elle est loin d’être inconnue, mais du moins elle n’occupe pas seule les esprits délicats ; à côté d’elle, au-dessus d’elle, nous croyons à l’amour. Ce ne serait plus la galanterie, ce serait l’amour qui ferait aujourd’hui le principal sujet des observations d’un moraliste de bonne compagnie. D’autre part, la galanterie est maintenant moins hardie, et La Rochefoucauld ne pourrait plus dire : « On ne compte d’ordinaire la première galanterie des femmes que lorsqu’elles en ont une seconde » (499). Il ne pourrait plus, sans calomnier notre siècle, écrire : « Il y a peu d’honnêtes femmes qui ne soient lasses de leur métier » (367). Que l’on ne nous accuse point d’avoir seulement fait des progrès dans l’hypocrisie, ce qui, d’ailleurs, La Rochefoucauld ne le contesterait pas, serait dèjà « un hom-