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le charme de l’histoire

ne pas l’être ? « Il est, dit-il ailleurs, plus difficile d’être fidèle à sa maîtresse quand on est heureux que quand on est maltraité » (331). Ici du moins l’auteur ne profane pas le mot amour ; il ne nous trompe pas sur le sentiment auquel il fait allusion[1].

« Dans l’amour, la tromperie va presque toujours plus loin que la méfiance »(335). Quelle calomnie contre ce pauvre amour, la plus sincère de toutes les passions ! C’est la contrefaçon de l’amour, c’est la galanterie, qui pour réussir a besoin de mensonge, comme pour rester fidèle elle a besoin d’effort ; c’est cette lutte de deux êtres coquets, Acaste et Célimène, qui partent en guerre l’un contre l’autre pour goûter la gloire d’avoir triomphé, et qui, une fois la curiosité et l’amour-propre satisfaits, se hâtent d’aller chercher ailleurs des conquêtes nouvelles. Mais quand on aime, pourquoi tromper ? Pourquoi mentir ? La Rochefoucauld est mieux inspiré lorsqu’il dit : « Le plus grand miracle de l’amour, c’est de guérir de la coquetterie » (349 ; voir aussi 376).

Que La Rochefoucauld nie la constance en amour, personne ne songera à s’en étonner ; mais voyons en quels termes il va s’exprimer. Il ne dira pas, comme Vauvenargues, en quelques mots amers et incisifs, «  La constance est la chimère de l’amour. »

  1. La Comtesse Diane dit au contraire : « L’amour s’accroît de son bonheur » (Glanes de ta vie, p. 118).