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la rochefoucauld et la comtesse diane

comme un enfant, revoir Verteuil et les lieux où il a chassé avec tant de plaisir ; je ne dis pas où il a été amoureux, car je ne crois pas que ce qui s’appelle amoureux il l’ait jamais été » (lettre du 7 octobre 1676).

« Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour » (324). Ici un doute nous arrête ; nous ne sommes pas absolument certain de la pensée de l’auteur. Avant La Rochefoucauld, le mot amour-propre était habituellement pris dans son sens étymologique, l’amour de soi. Lui-même l’a souvent employé dans ce sens général : « L’amour-propre, dit-il notamment, est l’amour de soi-même et de toutes choses pour soi » (Max. suppr., 563). Mais de toutes les formes que peut prendre l’amour de soi, celle qui le frappait davantage, celle qu’il se plaisait à mettre à nu et qu’il a le plus souvent flagellée, c’était l’admiration de soi : « il rend les hommes idolâtres d’eux-mêmes » (loc. cit.) ; presque toujours, quand il a écrit amour-propre, sa pensée reste vraie ou même devient plus vraie encore si l’on donne à ce mot le sens de vanité, par exemple dans cette phrase si souvent citée : « L’amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs » (2 ; voir aussi 3, 4, 13, 228).

Depuis que les Maximes du grand écrivain sont dans toutes les mémoires, le mot amour-propre a presque complètement perdu son acception primi-