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le charme de l’histoire

fice de la vie, l’un des plus faciles de tous : « Le courage le plus court, dit-elle, est le plus aisé ; on sacrifie sa vie plus facilement qu’on ne la consacre » (Maximes de la vie, p. 100).

Quand la Comtesse Diane s’occupe du courage devant le péril, elle ne s’attache pas spécialement, comme La Rochefoucauld, au danger que rencontre le soldat ; elle songe à tout danger qui peut menacer un homme, et la forme même qu’elle donne à sa pensée prouve que ce qui la frappe le plus dans ce genre de courage, ce n’est pas le côté brillant du mépris de la mort, l’entrain militaire, mais la fermeté calme et réfléchie d’une âme maîtresse d’elle-même, qui voit le péril et qui l’affronte délibérément pour accomplir un devoir. « Avoir peur, c’est s’obéir ; être brave, c’est se commander » (p. 207). — « La peur est un instinct, le courage est une conquête ; la volonté fait taire la peur et la cache sous le courage » (p. 52). Cette disposition d’esprit ne tient pas uniquement à ce que le sexe de l’auteur ne lui donne pas l’occasion d’affronter personnellement les dangers de la guerre ; toutes les femmes sont sensibles au prestige de la valeur militaire, et d’ailleurs la Comtesse Diane appartenait à une famille où tous les hommes ont porté l’épée. Mais de nos jours ce n’est plus le soldat qui joue dans l’ordre social le rôle prépondérant ; ce n’est plus le courage du champ de bataille qui est