Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
le charme de l’histoire

contemporains, ou dans celles des hommes de son rang, ou même dans les siennes ? Les mémoires et les correspondances du temps révèlent au contraire une société qui était loin de se montrer insensible aux avantages de l’opulence : l’avidité cynique des courtisans, les exactions des personnages en place, les mésalliances dorées des grands seigneurs, le mélange bizarre d’envie, de dédain irrité et d’adulations complaisantes dont ils entouraient les traitants enrichis, la place que le théâtre, image de la vie, donnait aux legs et aux procès, tout atteste qu’alors, comme aujourd’hui, comme toujours, la richesse, source de jouissance ou source de puissance, était convoitée avec passion et poursuivie avec âpreté.

Lorsque le petit marquis du Misanthrope énumère cornplaisamment les mérites qui lui donneraient le droit « en tout pays d’être content de soi », il s’écrie :

J’ai du bien, je suis jeune, et sors d’une maison… » etc.

C’est le bien qui vient le premier à sa pensée. Quand Alceste cherche quelles qualités, à défaut de faire des vers, il pourrait reconnaître à l’homme au son­ net, il dit à Philinte :

Je louerai, si l’on veut, son train et sa dépense… » etc.

La dépense ! Comme cette expression est caractéristique ! Dépenser était pour les gens de Cour une nécessité si impérieuse qu’ils avaient fini par en