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la rochefoucauld et la comtesse diane

attirer l’attention ; de nos jours, Racine ne mourrait plus de chagrin pour avoir encouru la disgrâce de quelque successeur du grand Roi ; mais dans le cercle où vivait La Rochefoucauld, la faveur du Prince était la fortune suprême, et les courtisans adoraient, non seulement le Soleil, mais les personnages mesquins que le Soleil daignait éclairer du reflet de ses rayons !

À côté de ces Maximes nombreuses sur les hautes fortunes et sur les hautes infortunes, sur les grandes ambitions et les grandes affaires, quelle place La Rochefoucauld va-t-il donner aux sentiments si variés, si intéressants par leur déraison comme par leur puissance, que le prestige de l’or fait naître dans le cœur de ceux qui possèdent la richesse et de ceux qui ne la possèdent pas. Voilà une mine féconde d’observations, se rattachant, non plus à des mœurs passagères, aux manies accidentelles d’un cercle étroitement limité, mais à des passions impérissables et universelles. Tout cela pourtant semble ne pas exister pour La Rochefoucauld. Hormis trois ou quatre réflexions sur l’avarice (11, 167, 491, 492), vice particulièrement honni des grands seigneurs, et deux maximes, contradictoires d’ailleurs, sur le mépris des richesses (51 et 301), il néglige ou il dédaigne tout ce côté du cœur humain.

Conclurons-nous de son silence que l’argent ne tenait aucune place dans les préoccupations de ses