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les contes de perrault

droit, quand le droit néglige de rester armé pour se défendre.

Dans ses récits Perrault, tout en respectant le fond, en a adouci la cruauté. Ses contes ne laissent pas la même impression que ceux qui nous sont rapportés bruts, tels que les avaient imaginés les Aryens et conservés les chaumières.

Seul, d’ailleurs, Perrault a su leur donner le charme du style, parce que seul, comme son ami Lafontaine, il a su réunir le naturel et la grâce. Séduit par l’exemple de Lafontaine, il avait commencé par écrire ses contes en vers irréguliers ; c’était la forme alors consacrée pour les contes comme pour les fables. Il ne tarda pas à reconnaître son erreur, et il revint à la prose, mais à une prose qui rappelle, avec infiniment d’art, la forme enfantine des chaumières. Son style est si différent de celui qui, de son temps, était à la mode, qu’on a cru devoir lui chercher une explication, et le bon Perrault est devenu à son tour le sujet d’une légende. On a raconté[1] qu’un jour il avait donné comme devoir de collège à son fils, alors âgé de onze ans, un conte à rédiger. L’enfant l’écrivit à peu près comme le racontaient les nourrices, et Perrault s’aperçut que, pour les contes populaires, cette forme enfantine avait une grâce et arrivait à

  1. M. Ch. Deulin, loc. cit., p. 23.