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les contes de perrault

Est-ce donc là, encore aujourd’hui, la morale des chaumières ? Suffit-il donc, comme aux temps obscurs où les peuplades Aryennes parcouraient avec leurs troupeaux les hauts plateaux de l’Asie, d’être riche pour être heureux et honoré, même quand cette richesse est le prix du mensonge, du vol, du meurtre ?

Ainsi, en dépit des efforts tentés par toutes les religions pour éveiller dans les cœurs la conscience, pour relever les âmes, pour habituer les hommes à regarder le ciel, il semblerait vraiment, quand on lit les contes populaires tels que nous les ont transmis tant de générations, que les esprits simples des temps nouveaux, tout comme les demi-sauvages des temps préhistoriques, voient encore la vie telle que sans doute elle apparaît aux animaux. Les animaux observent les faits autour d’eux et ils en tirent les conséquences immédiates qui peuvent leur servir dans la lutte pour l’existence : éviter ce qui leur attirerait des coups, s’emparer <le ce qui peut leur procurer une jouissance. lais là se borne leur sens moral. Incapables de dominer par la réflexion et la pensée le fait brutal,

    cachée son âme, « prirent beaucoup d’or et d’argent… et vécurent heureux : et prospères par la suite »… (Brueyre, page 80).
    Dans Jack et la tige de haricots, Jack tue le géant pour prendre tous ses trésors : « De ce jour, Jack et sa mère vécurent riches, heureux et honorés » (Brueyre, p. 38).