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le charme de l’histoire

dans une de ses préfaces, il affirme que ses contes « renferment une morale louable et instructive, que les enfants y puisent le désir de ressembler à ceux qu’ils voient devenir heureux, en même temps que la crainte des malheurs où les méchants sont tombés par leur méchanceté ». Si tel était son but, il ne semble pas l’avoir toujours atteint. Les procédés du Chat botté, par exemple, sont habiles, mais ils sont peu délicats. Ceci, d’ailleurs, est encore une preuve de l’authenticité des traditions recueillies par Perrault. Les contes, comme les fables, nés de l’imagination populaire et non de l’invention des lettrés, reflètent plus fidèlement que les genres plus élevés la pensée et les sentiments du peuple, ou plutôt la pensée et les sentiments de quiconque n’a reçu d’autre éducation que celle de la vie. L’enseignement de la vie, quand il est réduit à lui-même, quand il n’est pas épuré par la religion ou éclairé par le culte des lettres, c’est le Struggle for life avec toute sa brutalité. Dans la vie, la vertu n’est pas toujours récompensée ni le vice puni ; l’habileté et la ruse réussissent souvent mieux que la franchise et la droiture. Les fables et les contes nous le répètent, parce que la vie le leur a appris. La morale qu’ils nous enseignent peut être pratique, mais elle n’est pas élevée ; elle glorifie le succès plus que la vertu ; elle nous recommande surtout d’être avisés ; les défauts contre lesquels elle cherche à