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les contes de perrault

d’un rêve ? Y avait-il une justice alors contre le seigneur, et quand un pauvre paysan avait à se plaindre, sa plainte arrivait-elle jusqu’au roi ? « Ah ! si le roi le savait ! »

Il y a des ogres dans les contes de Perrault. Si nous avions aujourd’hui la fantaisie de faire paraître un ogre dans un conte, comment le représenterions­ nous ? Ce serait une sorte de sauvage hagard, un bohémien hors la loi errant dans les campagnes isolées, un bandit caché dans un repaire et n’en sortant que la nuit pour chercher ses victimes. Chez Perrault, qui sans doute en cela suit la tradition populaire, l’ogre est tout autre chose. Dans le Chat botté, il habite un magnifique château entouré de terres immenses ; dans le Petit Poucet, il est si riche que ses sept filles dorment avec des couronnes d’or sur la tête ; dans la Belle au bois dormant, il est si puissant que le roi épouse sa fille « à cause de ses grands biens ». Pour Perrault, l’ogre n’est pas le paria en révolte contre la société ; c’est le seigneur ! C’est presque le prince du sang !


Des grands : l’Ogre ou Barbe-Bleue ; des humbles : un meunier, un bûcheron, une petite fille de village qui va seule à travers la forêt retrouver sa mère­ grand ; voilà les héros habituels des contes populaires. Les premiers, qui possèdent la richesse et la force, qui répandent une terreur mystérieuse, qui