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les contes de perrault

Belle au bois dormant eût été notre contemporain, il aurait donné à certains détails de son récit une forme différente. Il n’aurait pas résisté, par exemple, à la tentation de nous égayer un peu aux dépens de la majesté royale. Aujourd’hui, dans les contes, comme dans les opérettes, un roi est inévitablement « solennel, mais pas fort ». Perrault nous dit seulement : « Le roi, son père, était bonhomme ». Au fond, c’est la même chose ; mais quelle différence dans l’intention ! L’opérette livre à notre raillerie, Perrault à notre sympathie ce roi « bonhomme ». Il ne nous dit pas qu’il était « solennel » ; mais, sans qu’il insiste, nous sentons que le « bonhomme » avait une grande perruque. Il ne nous dit pas non plus qu’il n’était « pas fort ». Ce détail alors eût paru moins amusant qu’irrévérencieux. Il importait peu que le roi fût fort ; il était roi ; cela suffisait pour qu’un prestige indiscuté lui fût assuré. Ce qui importait, c’est qu’il eût une cour, et le père de la Belle au bois dormant en avait une. La longue énumération du personnel frappé de sommeil en même temps que la princesse nous dispenserait de rechercher dans l’Almanach royal du temps, comment se composait la maison des filles de France : gouvernantes, filles d’honneur, femmes de chambre, officiers, maîtres d’hôtel, cuisiniers, marmitons, galopins, gardes, suisses, pages, valets de pied, palefreniers, tous y sont, tous, jusqu’à la petite