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le charme de l’histoire

et nuit il veille sur mes pas… Et je sais que je n’ai jamais eu et n’aurai jamais de serviteur aussi fidèle qu’lstvan Ivanyi ».

Plusieurs scènes (Damné, La conversion de Zsuzsi Zaua, Ce que femme peut) nous parlent de la curieuse secte des Nazaréens, les croyants en Christ. Ils prétendent suivre à la lettre les doctrines de l’Écriture et sont aussi absorbés par la préoccupation du ciel qu’aurait pu l’être un saint des temps primitifs. Ils professent une tempérance absolue, ont sans cesse devant l’esprit la pensée de leurs péchés et les confessent publiquement. M. de Justh nous montre un paysan que sa femme avait converti, et qui, n’ayant pu s’abstenir de fumer, se figure qu’il est irrévocablement damné et juge désormais inutile de faire de nouveaux efforts pour mériter le ciel à tout jamais perdu. Il fume, boit, bat sa femme quand elle se plaint trop fort de le voir retombé dans le péché ; il se résigne en pleurant à aller en enfer. Une autre fois c’est une vieille courtisane qui, saisie tout à coup par la grâce, renonce à son rouge, à ses faux cheveux, à ses amants, et ne songe plus qu’à prier. Ou bien c’est une ancienne servante qui, pour paraître sans sacrilège à la réunion des fidèles de sa secte, doit confesser et expier ses péchés. Elle commence par les avouer à son mari, qui, dans sa colère, la bat et la chasse. De là, elle va chez ses anciens maîtres, leur