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le charme de l’histoire

êtres réels, et nous les jugeons, non plus avec notre réflexion indifférente, mais avec notre âme et notre cœur ! Nous les aimons ou nous les détestons !

Je vous dépeins, parce que c’est la seule que je connaisse, la joie de l’humble amateur qui recueille avec délices ces miettes de l’histoire. Tel ou tel de mes collègues saurait vous dire celle du véritable historien, du penseur qui groupe tous les petits faits, en saisit l’enchaînement mystérieux, en tire la conclusion élevée et profonde, et, ainsi que du haut d’une montagne on s’explique les détours qui semblent si capricieux d’une rivière, nous montre que le cours des événements est, comme celui des fleuves, soumis à des lois inflexibles et précises.

L’histoire est la grande consolatrice. C’est elle qui nous enseigne à envisager sans appréhension l’avenir et sans amertume le présent. Si elle nous parle des douloureuses épreuves que notre chère patrie a trop souvent traversées, elle nous rappelle que la France s’est toujours relevée glorieuse après les plus terribles revers. Si elle nous dit que de tout temps on a vu la force opprimer le droit, la persécution frapper les humbles et les justes, le crime et la duplicité s’emparer de la puissance, elle nous montre aussi les aspirations éternelles des hommes vers la justice. Elle nous répète que les idées, bien plus que la force, ont exercé l’in-