Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
le charme de l’histoire

que la faveur du roi aurait pu lui faire obtenir, et pour lesquelles il ne se sent pas fait. Il ne veut pas non plus devoir ce qu’on appelait alors sa fortune, à des moyens que sa délicatesse réprouve ; jeune, il refuse d’être présenté à la comtesse de Toulouse par une de ses tantes, religieuse au couvent où cette princesse allait faire ses dévotions. « Avec de l’ambition, dit-il, on peut se servir de toutes voies pour réussir, mais ce n’était pas dans mon caractère » (I. 49). S’il avait vécu de notre temps il aurait écrit : « Je n’étais pas un arriviste ».

Il serait donc injuste de dire que Dufort ne respecte rien ; seulement, pas plus que la plupart de ses contemporains, il ne prend au sérieux les choses au milieu desquelles il vit. Sous ce rapport, il représente bien l’esprit général de la noblesse et de la Cour. Il est imprégné de cet esprit dissolvant qui a tout attaqué, les mœurs, les institutions, les lois ; qui a su détruire, et qui jusqu’à présent a été impuissant à reconstruire. Sa légèreté rit de ces conventions que l’on appelle trop volontiers des préjugés, et qui sont la condition indispensable de toute vie sociale. Quels principes humains, quelles institutions pourraient résister à la discussion de la logique absolue ? Et quelle société pourrait durer un instant si les conventions sur lesquelles elle repose cessaient d’être respectées ? Tout peut être discuté, contesté, sauf un point : c’est qu’il faut