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dufort de cheverny

permet de mûrir mon projet et de prendre mes dispositions… Le sol n’est plus tenable, les impositions écrasent les propriétés, principalement les plus fortes, et l’on est menacé continuellement d’exactions, comme dans un pays conquis. Il faut satisfaire les gouvernants, et obtenir la tranquillité en se retirant ailleurs >> (II. 365).

On raconte que plusieurs années avant la Révolution, Sieyès, Treilhard et quelques autres hommes qui plus tard jouèrent un rôle, s’entretenaient, en se promenant aux Champs-Élysées, de la chose publique et des réformes qu’elle appelait. « Le prêtre ne devrait pas sortir du temple, dit l’un d’eux. Il faut enlever au clergé sa puissance politique et ses biens. » — « Oui », répondit Sieyès, du ton de l’indifférence. — « La noblesse, dit un autre, ne rend plus aucun service à l’État. Il faut abolir ses privilèges que rien ne justifie plus. » — « Oui », dit Sieyès. — « Dans un siècle de lumières, ajouta un troisième, un roi est inutile ; les peuples peuvent se gouverner eux-mêmes. Il faut supprimer la monarchie. » — Sieyès répondit encore : « Oui » toujours sur le même ton. — « Que prétendez-vous donc, lui dirent ses amis, vous à qui ne semble pas suffire la suppression du clergé, de la noblesse et de la royauté ? » — « La propriété est dans de mauvaises mains, dit alors Sieyès ; il faut changer les propriétaires. Voilà la