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le charme de l’histoire

château, devenu trop grand et trop onéreux, et il loua une petite maison à Blois. « Vivant du peu qui nous restera, dit-il, nous aurons le bon esprit de regarder autour de nous et d’y trouver des gens encore plus malheureux » (II. 411). Sa belle-sœur, Mme Amelot, était réduite précisément aux mêmes chiffres. « Par une délicatesse pareille à la nôtre, et aussi mal entendue, elle ne s’était pas servie de la facilité qui lui était offerte de rembourser en assignats. Sot préjugé de vouloir rester honnête, tandis que tant de gens s’en moquent ! » (II. 373).

Il nous est impossible de ne pas nous arrêter sur ces derniers mots. Payé lui-même en assignats, Dufort persiste, dût-il en être ruiné, à s’acquitter envers ses créanciers en une monnaie ayant une valeur réelle, comme ils avaient dû y compter quand ils avaient traité avec lui. Cependant, irrité et indigné de voir à côté de lui l’improbité favorisée par les lois et encouragée par le succès, il finit par laisser échapper un regret de cette délicatesse à laquelle il obéit encore, mais que sa douleur commence à maudire et à qualifier de sot préjugé ! Plus loin nous trouverons un passage encore plus frappant. Dufort raconte que la ville de Caen vient d’être mise en état de siège : « Colonnes mobiles, arrestations de prêtres, désarmement des suspects, toutes les gentillesses révolutionnaires