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le charme de l’histoire

rente ; elle vit dans le dénuement à Chaillot. Amelot est revenu de l’émigration ; il a perdu la raison et ne reconnaît même pas son beau-frère. Sa nièce, la marquise Amelot du Guépéan, restée veuve avec un enfant, cherche une place de concierge dans quelque maison de campagne. Un ami de Dufort, le marquis de Paroy, ancien constituant, lui écrit de Fontainebleau. Sa femme est restée quatorze mois en prison ; lui-même n’a-été sauvé de l’échafaud que parce que son fils aîné est parvenu à gagner les bonnes grâces de M. et Mme Tallien en faisant leur portrait. Ce fils est à Paris, où il s’est fait graveur, pour vivre. Un autre fils était prêtre ; il a été fusillé à Saint-Domingue par Santonax. Un troisième est au Cap, charretier. Le plus jeune a disparu ; on suppose qu’il a émigré. Une des filles est ans nouvelles de son mari, qui est à Saint-Domingue, cherchant à sauver quelques bribes de sa fortune ; elle est, de toute la famille, la seule personne qui n’ait pas été emprisonnée ! Maintenant elle végète avec son père et sa mère à Fontainebleau, où beaucoup de « ci-devant » persécutés se sont réfugiés et forment une réunion de société » (II. 327). Chaque famille que Dufort va visiter lui annonce un deuil ou une misère. « J’étais étranger à Paris, comme Paris l’était pour moi. Pas une rue, pas une maison où je n’eusse jadis connu quelqu’un, et maintenant je ne voyais que des hôtels dont les anciens maîtres