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dans une sorte de rêve. Il ne se rappelait que vaguement le déjeuner, pris sur la terrasse d’un restaurant de la Promenade des Anglais ; repas succulent, car ces automobilistes de luxe ne suivaient pas les conseils vomitifs du nommé Gouguenheim, dit Louis Forest, qui engage les lecteurs du Matin à manger des vidures de poissons accommodées aux fanes de carottes et saupoudrées de sabots de cheval concassés.

Et puis, on repartait : devant ses yeux ennuagés par le bourgogne, se déroulait un panorama de verdures éternelles sous un ciel exagérément indigo. Fanny lui nommait les endroits que traversait l’auto-bolide. Il percevait confusément « La Madeleine… Ste-Isidore… La Gaude… »

Sur la route de Grasse, on s’arrêtait devant une auberge pour boire de l’Asti, sorte de cidre épileptique poissé de muscat… Dans les champs embrasés retentissait l’incessante stridulation des cigales… Et puis, l’auto reprenait sa course folle, en pleine montagne cette fois, montant toujours plus haut, de gradins en gradins, longeant les précipices, sans ralentir, avec