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flatté de l’anxiété tendre qu’il lisait dans les grands yeux de Fanny, il marchait tout vivant dans son rêve étoilé et autour du boulingrin que les Monégasques dénués de poésie surnomment « le camembert ».

Pas plus que la jeune femme dont le pas préoccupé martelait nerveusement le trottoir, il ne s’apercevait que leur promenade circulaire recommençait indéfiniment, tournant, tournant, comme les bons chevaux de bois verlainiens.

Tout à coup, la voix de sa compagne troubla la béatitude injustifiée où il s’enlisait :

— J’ai à vous parler, Edvard, et de choses sérieuses.

— Je vous écoute, chère amie.

Et il pensait, avec une gaminerie malicieuse, déjà révoltée : « Va-t-elle me poser, elle aussi, son ultimatum et m’interdire d’approcher Thérèse ? » Or — bien que follement épris — son orgueil masculin se cabrait instinctivement contre toute mise en demeure formulée sur le mode impératif cher aux tzars et aux négriers : l’ukase de l’oncle Tom.

Mais sa partenaire, trop fine pour pratiquer le despotisme sans nuances, répéta :