Page:Manuel d’Épictète, trad. Joly, 1915.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

du premier venu, céder toujours la place aux autres dans les honneurs, dans le pouvoir, dans la justice, en toute chose enfin.

7. Penses-y bien. Vois si tu veux acheter à ce prix le calme, la liberté, le repos de l’âme. Autrement, renonce à ton projet. Ne t’en va pas faire comme les enfants, philosophe aujourd’hui, demain fermier des impôts, puis orateur, et ensuite intendant de César. Tout cela ne s’accorde pas. Il faut que tu ne sois qu’un seul homme, ou bon ou mauvais ; que tu l’appliques ou au gouvernement de toi-même ou aux choses du dehors ; que tu recherches les biens intérieurs ou les biens extérieurs ; en un mot, que tu sois ou un philosophe ou un homme du commun.

XXX.

Les devoirs se mesurent surtout à la nature des personnes et à leurs situations respectives. Or, cet homme, c’est ton père. Il t’est commandé d’avoir soin de lui, de lui céder en tout, de supporter ses réprimandes et ses mauvais traitements. « Mais c’est un mauvais père ! » Est-ce donc que la nature n’a voulu t’unir qu’à un bon père ? elle a voulu t’unir à un père. Ton frère t’a fait une injustice : observe le rapport qui doit exister entre lui et toi. Ne te demande pas ce qu’il a fait, mais ce que tu as à faire pour que ta volonté soit conforme à la nature. Nul ne peut te léser si tu ne le veux : car tu ne seras jamais lésé que lorsque tu croiras l’être. Tu trouveras de même quels sont tes devoirs envers ton voisin, envers ton concitoyen, envers ton général, si tu t’habitues à considérer ce que ces hommes sont par rapport à toi.

XXXI.

1. Sache que la piété envers les dieux consiste avant tout à concevoir d’eux de justes opinions, par exemple, à croire qu’ils existent et qu’ils gouvernent toutes choses avec un ordre et une justice admirables, à être persuadé que tu dois leur obéir et te plier sans murmure à tout ce qui arrive, parce que tout est réglé par une pensée souveraine-