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INTRODUCTION.

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I. Notice biographique sur Épictète.

La vie du philosophe stoïcien Épictète nous est peu connue. Nous ignorons même son vrai nom : car le mot Épictète est un adjectif qui veut dire esclave, serviteur. Nous savons seulement qu’il fut esclave d’Épaphrodite, lequel était un affranchi de Néron et l’un de ses gardes particuliers. Qui ne connaît cette lutte fameuse qui s’engagea un jour entre la tyrannie féroce du maître et la patience obstinée de l’esclave ? « Vous me casserez ma jambe, » disait l’esclave torturé, et le supplice continuait. La jambe enfin cassa. « Je vous l’avais bien dit, » fut la seule plainte, la seule protestation du philosophe[1]. Est-ce seulement à la suite de cet accident célèbre qu’il devint boiteux ? Une épigramme grecque, rapportée par Aulu-Gelle et par Macrobe, nous incline à le croire, sans nous en donner la certitude. Il nous est également impossible d’établir comment et à quel moment il devint libre. On sait que vers l’an 90, Domitien ayant rendu un édit qui chassait les philosophes, il se retira à Nicopolis en Épire. Y mourut-il ? On en doute, car Spartien nous le donne ensuite comme un familier d’Adrien. Dans tous les cas, cette amitié d’un empereur ne l’empêcha point de vivre très pauvrement. Un jour (ce fut la seule dépense qu’il se reprocha), il avait acheté une lampe de fer. À peine l’avait-il, qu’un voleur le débarrassa de ce luxe inutile, et le rappela à l’observation de ses propres maximes. La lampe de terre, qui ensuite éclaira ses veilles,

  1. Nous trouvons dans Épictète lui-même plusieurs dialogues de même nature, et toujours entre esclave et maître : Je te couperai la tête. — Quand t’ai-je dit que je n’étais pas mortel ? » C’est en faisant allusion à quelqu’une de ces fières réponses que Celse, opposant aux chrétiens l’exemple du philosophe, disait : « Votre Christ a-t-il rien fait de plus grand ? — Oui, il s’est tu, » répondait Origène.