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SUR LA PHILOSOPHIE D'ÉPICTÈTE.

cru en soi, d’avoir trop espéré de l’homme : « J’ose dire que ce grand esprit mériterait d’être adoré s’il avait aussi bien connu l’impuissance de l’homme que ses devoirs. » Ainsi parle Pascal à propos d’Épictète. Non moins sévère pour Épictète que les jansénistes du xviie siècle, un critique contemporain, l’auteur de la plus complète exposition qui ait été faite des doctrines stoïciennes, a dit en se résumant : « L’orgueil était le fond du stoïcisme[1]. »

Pourtant, semble-t-il, s’il est un reproche à faire aux stoïciens, c’est plutôt de n’avoir pas assez cru dans la puissance humaine, c’est d’avoir douté de soi et d’autrui. Nous avons examiné l’une après l’autre leurs erreurs ; toutes nous ont paru se ramener et comme se suspendre à une seule : la volonté réduite à la raison. De là ils concluent que la volonté est faite pour comprendre et s’abstenir, non pour agir ; pour contempler le monde extérieur, non pour le changer ; pour pénétrer la raison d’autrui, sans s’attacher à l’individualité même d’autrui ; enfin, pour mourir et disparaître, comme meurt et disparaît autour d’elle tout ce qui n’a pas de vie et de volonté propre.

Par cette conception, les stoïciens ont en défi-

  1. V. M. Ravaisson, Essai sur la métaphysique d’Aristote, ii, 279.