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XXVI
ÉTUDE

humaine à la flamme, la comparera encore à la lumière dont l’essence même, selon lui, est de s’étendre (ἀκτῖνες, ἐκτείνεσθαι). Comme le rayon de soleil dans l’obscurité, de même notre âme doit pénétrer dans l’âme d’autrui, « s’y verser, s’y épancher » ; mais si elle rencontre une intelligence qui lui soit fermée, alors elle se résignera, s’arrêtera, comme le rayon devant un corps opaque, « sans violence, sans abattement[1]. »

C’est là en effet une déduction nécessaire de la doctrine stoïcienne et platonicienne : si l’amour s’adresse surtout à la raison, aimer sera avant tout enseigner, communiquer le bien et le vrai ; aimer, ce sera convertir les intelligences. Cette sorte d’amour intellectuel se personnifie dans le philosophe idéal, dont Épictète a tracé le portrait.

Le philosophe, ce précepteur du genre humain (ὁ παιδευτὴς ὁ κοινός), n’a ni patrie ni famille, ni femme ni enfants : pour qu’il eût une femme, il faudrait qu’elle fût « un autre lui-même, comme la femme de Cratès était un autre Cratès. » « Sa famille est l’humanité ; les hommes sont ses fils, les femmes sont ses filles ; c’est comme tel qu’il va les trouver tous, comme tel qu’il veille sur tous… Il a été détaché vers les hommes comme un envoyé, pour leur montrer quels sont les

  1. VIII, lvii.