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EXTRAITS DE MARC-AURÈLE.

XXVI

Si tu avais à la fois une marâtre et une mère, tu aurais des égards pour l’une ; mais ce serait auprès de ta mère que tu retournerais à chaque instant. Ta marâtre et ta mère, ce sont la Cour et la Philosophie ; reviens souvent à celle-ci, repose-toi dans son sein : c’est elle qui te rend l’autre supportable ; c’est elle qui te rend supportable à la Cour[1].

XXVII

Des êtres se hâtent d’exister, d’autres êtres se hâtent de n’exister plus ; même de tout ce qui se produit, quelque chose déjà s’est éteint. Ces écoulements, ces altérations, renouvellent continuellement le monde, comme le cours non interrompu du temps renouvelle éternellement la durée infinie des siècles. Entraîné par ce fleuve, y a-t-il quelqu’un qui puisse estimer aucune de ces choses si passagères, sur laquelle il ne saurait faire aucun fondement ? C’est comme si l’on se prenait d’amour pour un des moineaux qui passent en volant : l’oiseau, dans un instant, aurait disparu à leurs yeux.

XXVIII

Si quelqu’un te demandait comment s’écrit le nom d’Antonin, est-ce avec de grands éclats de voix que tu en prononcerais chaque lettre ? Quoi donc ! Si l’on se fâche contre toi, pourquoi te mettre aussi en colère ? Tout à l’heure, n’aurais-tu pas énuméré tranquillement chaque lettre du nom ? Eh bien donc, souviens-toi que, dans la vie aussi, tout devoir se compose d’un certain nombre de choses ; ce nombre, il te faut l’observer sans te troubler, sans que l’indignation des autres fasse naître ton indignation.

  1. C’est l’empereur qu’on retrouve ici dans la pensée du philosophe.