port qu’on doit avoir ; je vous montrerai alors la statue achevée et polie. Mais que croyez-vous que cela soit ? L’air arrogant ? A Dieu ne plaise ? Est-ce que Jupiter à Olympie a l’air arrogant ? Non, mais il a le regard assuré comme doit l’avoir celui qui peut dire :
« Tout est irrévocable chez moi, et tout y est sûr[1]. »
C’est là ce que je vous ferai voir en moi, avec la sincérité, l’honnêteté, la noblesse de cœur, le calme absolu. Me verrez-vous exempt de la mort, de la vieillesse, de la maladie ? Non ; mais vous me verrez comme un Dieu en face de la mort, comme un Dieu en face de la maladie. Voilà ce que je sais, voilà ce que je puis ; tout le reste, je ne le sais, ni ne le puis. Je vous ferai voir la force d’un philosophe. Et en quoi consiste cette force ? A ne jamais manquer ce qu’on désire, à ne jamais tomber dans ce qu’on redoute, à se porter toujours vers des choses convenables, à donner tous ses soins à ce qu’on se propose de faire, à ne croire jamais qu’après mûr examen. Voilà ce que vous verrez.
XXXIII
On n’est pas de force à remplir son rôle d’homme, et l’on se charge encore de celui de philosophe.
Remplir son rôle d’homme, et rien de plus, n’est pas encore une chose toute simple. Qu’est-ce que l’homme en effet ? Un être animé, dit-on, qui a la raison, et qui doit mourir. Or, tout d’abord, de qui la raison nous distingue-t-elle ? Des bêtes sauvages. Et de qui encore ? Du bétail, et de ce qui lui ressemble. Vois donc à ne jamais agir comme la bête sauvage ou comme le bétail ; autrement, c’en est fait de l’homme en toi : tu n’aurais pas rempli ton rôle.
Or, quand nous agissons en vue de notre estomac ou des plaisirs de la chair, sans réflexion et sans soins, de qui nous rapprochons-nous ? Des bestiaux. Qui détruisons-nous en nous-mêmes ? L’être raisonnable. Quand nous agissons avec entêtement, avec méchanceté, avec colère, avec violence, de qui nous rapprochons-nous ? Des bêtes sauvages. Nous
- ↑ Homère, Iliade, II, 24.— V. Manuel, xxii.