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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

chanter Dieu. Voilà mon métier, et je le fais. C’est un rôle auquel je ne faillirai pas, autant qu’il sera en moi ; et je vous engage tous à chanter avec moi.

XVI

La maladie et la mort.

Il faut que la maladie et la mort viennent nous saisir au milieu de quelque occupation. Elles saisissent le laboureur à son labour et le marin sur son navire. Que veux-tu être en train de faire quand elles te prendront ?

Pour moi, puisse-t-il m’arriver d’être pris par elles ne m’occupant d’autre chose que de ma faculté de juger et de vouloir, pour que, soustraite aux troubles, aux entraves, à la contrainte, elle soit pleinement libre ! Voilà les occupations où je veux qu’elles me trouvent, afin de pouvoir dire à Dieu : « Est-ce que j’ai transgressé tes ordres ? Est-ce que j’ai mal usé des facultés que tu m’avais données ? mal usé de mes sens ? de mes notions naturelles ? T’ai-je jamais rien reproché ? Ai-je jamais blâmé ton gouvernement ? J’ai été malade, parce que tu l’as voulu. Les autres aussi le sont, mais moi je l’ai été sans mécontentement. J’ai été pauvre, parce que tu l’as voulu, mais je l’ai été, content de l’être. Je n’ai pas été magistrat, parce que tu ne l’as pas voulu ; mais aussi je n’ai jamais désiré de magistrature. M’en as-tu jamais vu plus triste ? Ne me suis-je pas toujours présenté à toi le visage radieux, n’attendant qu’un ordre, qu’un signe de toi ? Tu veux que je parte aujourd’hui de ce grand spectacle du monde ; je vais en partir. Je te rends grâce, sans réserve, de m’y avoir admis avec toi, de m’avoir donné d’y contempler tes œuvres et d’y comprendre ton gouvernement. » Que ce soit là ce que je pense, écrive ou lise, au moment où me prendra la mort !