Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
II
Étude

par sa nature aspire à être libre, il s’apercevra qu’il est esclave : esclave de son corps, des biens qu’il recherche, des dignités qu’il ambitionne, des hommes qu’il flatte ; esclave, « alors même que douze faisceaux marcheraient devant lui[1] » Cet esclavage moral constitue à la fois le vice et le malheur : car, « comme la liberté n’est qu’un nom de la vertu, l’esclavage n’est qu’un nom « du vice[2]. »

Celui qui se sera reconnu ainsi « mauvais et esclave » aura fait le premier pas vers la vertu et la liberté[3]. Le stoïcien n’a plus qu’à lui dire : « Cherche, et tu trouveras : ζήτει, καὶ εὑρήσεις[4]. » Mais l’homme ne doit pas chercher la liberté dans les choses du dehors, dans son corps, dans ses biens : car tout cela est esclave. — « N’as-tu donc rien dont tu sois le maître (οὐδὲν αὐτεξούσιον) ? — Je ne sais pas. — Peut-on te forcer à approuver ce qui est faux ? — Non. — Quelqu’un peut-il te forcer à vouloir ce que tu ne veux pas ? — On le peut, car, en me menaçant de la mort ou de la prison, on me force à vouloir. — Mais si tu méprisais la mort ou la prison, t’in-

  1. Entretiens, IV, i, 57.
  2. Stob. Flor., i, 54.
  3. Ib.,48.
  4. Entretiens, IV, i, 51.