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Item: J’aperçois enfin un mariage qui met la Silleraye en rumeur. Tous ceux qu’a vivifiés la douce influence de Mme Gilbert, soit directement, soit par contre-coup, veulent lui témoigner leur reconnaissance en se montrant au mariage de sa sœur, et en priant pour qu’elle soit heureuse. La haute ville tout entière remplit la nef de la vieille église romane et déborde dans les bas-côtés qu’achèvent de remplir les gens de la basse ville. C’est le curé-doyen de Saint-Pierre qui dit la messe de mariage.

Le curé-doyen de Saint-Pierre est un digne et saint homme, qui a lutté vainement pendant de longues années pour réveiller un peu ses paroissiens endormis. Ses paroissiens ont la foi, mais une foi sans flamme et sans énergie ; ils accomplissent régulièrement leurs devoirs religieux, mais plutôt par habitude que par besoin de vivifier leur âme et de la retremper aux sources divines. Toutes les fois qu’il fait appel à leur charité, ils se montrent très généreux ; mais s’ils donnent leur or aux pauvres, c’est toujours par un intermédiaire ; ils n’ont pas l’habitude de payer de leur personne ; ils ignorent la puissance d’une parole qui part du cœur, et qui va au cœur, et la magie toute-puissante d’un regard de sympathie.

Il y a dans la célébration de l’office du mariage, un moment bien solennel et bien touchant, c’est celui où l’officiant descend les marches de l’autel, et s’avance vers ceux qu’il va unir devant Dieu, pour leur parler de leurs nouveaux devoirs.

Comme il connaît d’avance les dangers qui les menacent et les pièges qui sont tendus sous leurs pas, il va rechercher dans les souvenirs et les exemples des deux familles tout ce qui peut les guider, tout ce qui peut leur servir d’armure et de défense à l’heure du danger et à l’heure de la tentation.

Le curé-doyen était un homme lettré, et ses petites homélies nuptiales étaient toujours très bien pensées et très bien écrites. Mais c’est l’auditoire qui fait l’orateur, et la parole élégante du digne homme était toujours un peu froide, s’adressant à un auditoire endormi. D’ailleurs, il n’improvisait pas, il lisait.

Quand le moment solennel fut venu, il descendit lentement les marches de l’autel, recueilli en lui-même, les regards baissés, tenant dans la main droite un papier plié en quatre.

Quand il déplia son manuscrit, toutes les têtes se penchèrent en avant. Il s’adressa d’abord au capitaine Maulevrier. Comme il ne le