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— Oui-da ! » dit M. Pichon d’un air de profonde satisfaction ; il se savait un gré infini d’avoir deviné si juste.

« Et puis, reprit Michet, j’ai amené, il y a trois semaines, la mère et la sœur de madame.

— Toi !

— Oui, moi, monsieur Pichon, puisque vous n’étiez pas là.

— Avoue que tu as de la chance. »

Michet lui jeta un regard de reconnaissance et dit:

« Monsieur Pichon, j’ai toujours eu de la chance depuis que Mme Gilbert m’a recommandé à vous.

— Moi aussi depuis que je la connais, » répondit M. Pichon, qui pensa tout de suite aux braves gens qu’il avait laissés là-bas, à Saumur.

À partir de ce moment, il garda un profond silence, songeant à la Silleraye qui se réveillait, à la famille du tonnelier qui opèrerait son déménagement au commencement de l’été suivant, fin de bail ; aux heureux jours qui l’attendaient à Saumur, au plaisir qu’il éprouverait pendant l’hiver à casser des noix après souper, à faire griller des châtaignes sous la cendre, à allumer sa pipe avec un charbon, à fourgonner dans le feu, lui qui, depuis vingt-cinq ans, couchait dans une chambre sans cheminée.

Arrivé à la Silleraye, il courut tout droit chez son notaire, et lui parla de la maison qu’il voulait acheter.

« Cela tombe bien, lui dit le notaire. Guilmard, comme vous le savez, a fait un héritage, et grille d’aller vivre à rien faire sur un petit bien qu’il a près d’Amboise. Il donnera la maison pour un morceau de pain. Laissez-moi arranger cela. Seulement, je vous préviens qu’il y aura des réparations à faire ; les murs sont bons, les charpentes sont solides, mais l’intérieur a été négligé.

— Nous avons du temps devant nous, dit M. Pichon ; on fera cela avant l’hiver ou au printemps ; je voudrais aussi un lopin de vigne sur le coteau, avec un vide-bouteilles en bon état. S’il n’y a pas de vide-bouteilles, j’en ferai bâtir un. »

Il se rendit ensuite au Donjon, et trouva Mme Gilbert entourée de ses enfants. Le marmot sacré l’appelait maman, trouvant la chose toute naturelle. Voyant que son audace ne lui avait pas été funeste, Maurice et Nathalie commençaient, eux aussi, à risquer cette douce appellation. Aussitôt que la face rougeaude et la corpulente personne