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Cela signifiait évidemment qu’il la trompait, et qu’elle en souffrit. Je ne pus jamais en savoir davantage sur ce chapitre.

Un jour, allant donner une série de concerts à Londres, elle traversa Boulogne. Au retour, elle s’y arrêta, et s’y fixa. Elle devint veuve à peu près en même temps, et donna des leçons pour vivre. D’emblée, elle obtint la meilleure clientèle de la ville.

Je dus de la connaître à cet ensemble de circonstances. Tout enfant, j’éprouvai pour elle une vive affection. Mais je ne l’appréciai vraiment que vers ma quinzième année. Alors, je perçus quelques lueurs sur son passé. Du jour où je sus qu’elle avait fréquenté chez Mme de Girardin les hommes mêmes auxquels allait mon culte, je ne taris plus de questions. Malheureusement les femmes, surtout jeunes et jolies, ont une manière de juger les autres femmes, et les hommes, qui n’a rien de commun avec la rigueur critique d’une méthode strictement scientifique.

Sur les femmes, Mlle Labarre ne posait jamais qu’une question : « Est-elle jolie ? »

Il lui arriva même de le demander à propos d’une négresse, sur qui la conversation s’égara.

Quant aux hommes, je démêlai qu’elle leur mesurait son estime à l’attention qu’ils accordaient à ses charmes et à son talent. Elle était trop intelligente pour ne pas apprécier leur valeur, le cas échéant, mais alors la sympathie manquait, et l’enthousiasme. Je l’interrogeai d’abord sur Victor Hugo. Elle ne sut m’en dire autre chose sinon qu’il était brutal et peu