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la conscience qu’elle était belle : parce que, ma foi, il n’y en avait pas d’autre !

Et le temps, en un état supérieur, apporta plus de capacité pour le luxe, et il devint bien que les hommes habitassent dans de grandes maisons, de reposer sur des couches et de manger à des tables ; sur quoi l’artiste, avec ses aides, bâtit des palais et les remplit de meubles, beaux dans leurs proportions et charmants à regarder.

Et le peuple vécut dans les merveilles de l’Art — et mangea et but dans des chefs-d’œuvre — car il n’y avait rien d’autre dans quoi boire et manger, et pas de construction laide pour demeurer ; pas d’article d’usage quotidien, de luxe ou de nécessité qui ne fût point sorti du dessin du maître, et fait par ses ouvriers.

Et le peuple ne s’enquerait pas, et n’avait rien à dire en cette affaire.

Ainsi la Grèce fut dans sa splendeur et suprême régna l’Art — par la force du fait, non par choix — et il n’y avait intrusion de ceux du dehors, Le puissant guerrier ne se serait pas plus aventuré à offrir un projet pour le temple de Pallas Athéné que le poète sacré n’aurait présenté un plan pour la construction de catapultes.

Et l’Amateur était inconnu — et le Dilettante irrêvé !

Et l’histoire alla s’écrivant, et la conquête accompagna la civilisation, et l’Art s’épandit ou plutôt ses produits que portaient aux vaincus les vainqueurs, d’une contrée à l’autre. Et la culture spirituelle avec ses usages couvrit la face de la terre, de façon que tous les peuples continuèrent à se servir de ce que l’artiste tout seul produisait.

Et les siècles se passèrent en ces coutumes, et le monde