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anxieuse ; un sentiment de chevaleresque solidarité le retenait avec les autres. Il les suivit.

Le chant de la Carmagnole s’éleva de la petite colonne, d’un effet puissant dans ce bois sombre, au milieu de la nuit.

Tout à coup, une voix s’écria :

— Les gendarmes !

Albert voulut s’élancer en avant pour prévenir une collision. Soudain, il fut saisi par les bras ; trois hommes surgis de l’ombre le renversèrent malgré sa vigoureuse résistance. Il se sentit ligotté, bâillonné avec un mouchoir et fouillé.

— Oh ! Oh ! fit une grosse voix chargée d’émanations alcooliques, un revolver, des cartouches, des papiers ! Son compte est bon.

Albert chercha à discerner les traits de l’individu qui parlait ainsi. C’était un homme vêtu en civil, à l’allure trapue ; lorsque, après avoir perquisitionné dans les poches du prisonnier, il releva la tête, ce fut pour montrer une figure bestiale, barrée d’énormes moustaches noires : le mineur reconnut le secrétaire du commissaire de police.

Les deux autres étaient des agents en uniforme.

Ainsi l’autorité se trouvait prévenue, complice, sans doute, du guet-apens.

Mais ce guet-apens, qui l’avait préparé ?

Les mouchards de la mine, comme Michet, peut-être. Mais ces gens n’avaient pu être que des sous-ordres ; l’affaire était trop grave pour qu’ils eussent agi de leur propre initiative. Derrière eux et bien au-dessus d’eux, il fallait évidemment chercher les vrais préparateurs.

Qui ? Ce ne pouvait être que la direction des mines, voulant frapper un grand coup pour se débarrasser, une fois pour toutes, des ouvriers suspects de penser. Chamot et avec lui les prêtres avaient tout machiné.

Et Albert comprit maintenant pourquoi, jusqu’a-