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fisamment angoissée, d’un fait grave dont la nouvelle avait couru dans la soirée au puits Saint-Jules.

Trois ouvriers appartenant à la fosse Denis, ayant rencontré l’abbé Brenier qui portait le saint-sacrement à un mourant et ne s’étant pas découverts devant le fétiche, venaient d’être renvoyés.

C’était la tyrannie cléricale s’appesantissant de plus en plus sur Mersey. Rares étaient les femmes de mineurs qui osaient, comme Geneviève, s’abstenir de paraître aux offices religieux. Quant aux hommes, si on ne pouvait, sous peine d’interrompre les travaux d’exploitation, congédier tous ceux qui n’allaient pas, le dimanche, remercier le bon Dieu de les avoir créés esclaves à perpétuité, tout au moins, exigeait-on d’eux une attitude respectueuse vis-à-vis du clergé.

Ce nouveau renvoi était un défi. Chamot voulait-il pousser à bout son bétail humain, l’obliger à se révolter ?

Cette fois, c’était la carrière qui avait été choisie pour lieu de rassemblement. En y arrivant, Albert trouva quelques groupes déjà réunis : on s’entretenait du renvoi, confirmé, des ouvriers de la fosse Denis. Leurs noms couraient : Boitard, Négrin, Bancel.

À chaque instant, des mineurs arrivaient. Il en sortait de chaque buisson et de toutes les excavations du roc, creusé de galeries en tous sens. Bientôt, la carrière présenta l’aspect d’un cirque naturel, empli de spectateurs.

Albert, tenant toujours son paquet à la main, chercha du regard Ronnot. Il l’aperçut, causant très animé, avec Vilaud et Janteau. Aussitôt, il se dirigea de son côté et lui fit signe à la dérobée.

Ronnot quitta ses deux compagnons et s’avança au-devant de son ami.

— Écoute, dit celui-ci, je veux te parler à part. Tu ne devinerais pas ce que j’ai reçu ?