Page:Malato - La Grande Grève.djvu/492

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ne craignez rien ! Nous regagnerons le temps perdu. Fiez-vous à moi pour réparer les erreurs commises sous l’administration précédente.

Il y avait dans ces paroles de Jolliveau à la fois une promesse et un acte de vasselage. Des Gourdes accentua son rôle de suzerain en déclarant :

— Oh ! les erreurs… vous pouvez bien dire les crimes. Ce Blanchon était tout simplement un misérable.

À ce jugement injurieux sur son prédécesseur, Jolliveau acquiesça d’un geste affirmatif.

— D’ici deux mois ont lieu les élections, prononça des Gourdes. Vous êtes arrivé à temps.

— N’ayez pas peur, fit le préfet, le parti de l’ordre sortira triomphant. Je ne vous en dis pas davantage.

Ces paroles cyniques pouvaient donner une idée du personnage. Désigné pour remplacer Blanchon que l’évêché, Schickler et des Gourdes alliés avaient enfin fait sauter, Jolliveau était prêt à tout pour complaire à ses protecteurs. Il ne les eût même trahis que moyennant un intérêt très considérable.

Les habitants du département de Seine-et-Loir ne tardèrent pas à s’apercevoir de quel bois était fait leur nouveau préfet. Une série d’arrêtés, plus autoritaires et tracassiers les uns que les autres, vint donner la note.

En même temps, les maires recevaient des circulaires qui ne pouvaient leur laisser le moindre doute sur ce que le représentant du pouvoir attendait d’eux. C’était la pression électorale qui commençait à s’exercer dans toute sa beauté.

De ces magistrats communaux, les uns, comme Martine, s’aplatissaient devant M. le préfet avec cette frénésie de servilisme propre à certains caractères ; d’autres demeuraient inquiets, répugnant par scrupule de conscience au rôle qu’on leur assignait et, cependant, hésitant à l’idée d’entrer en lutte avec