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les imprimés. C’étaient des manifestes du caractère le plus révolutionnaire.

La façon mystérieuse dont avaient été déposés ces manifestes avec le revolver et les cartouches était inquiétante. D’où provenaient-ils ?

Existait-il dans Mersey un groupe révolutionnaire constitué pour faire de l’agitation ? C’était improbable ; lui, Détras, en eût eu connaissance. Les manifestes, cela va sans dire, ne portaient aucune désignation de provenance, sauf quelques-uns, au bas desquels se lisait : « Imprimerie de la Révolte, route de la Liberté, »

C’était d’un beau symbolisme, mais rien n’expliquait l’énigme. Le mineur demeurait partagé entre sa sympathie pour les idées contenues dans les imprimés qu’il lisait l’un après l’autre, et une certaine défiance sur l’origine de l’envoi. Qui sait ! C’était peut-être de vrais révolutionnaires, mais ce pouvait être tout aussi bien la police, celle de l’État ou celle de Chamot. À plusieurs reprises, Albert s’était demandé pour quel motif on le gardait à la mine tandis que les camarades signalés par leur manifestation irréligieuse aux obsèques de son père, en avaient été chassés. Peut-être n’avait-on attendu que pour mieux le frapper !

Et, pendant qu’il réfléchissait ainsi, tout à coup la pensée de Baladier traversa son esprit. Il lui semblait retrouver dans les manifestes des expressions et même des tours de phrase du conférencier.

— Je suis fou ! se dit-il. Tous ceux qui parlent ou écrivent sur un même sujet finissent par exprimer leurs idées d’une façon analogue.

C’était vrai ; pourtant, il demeurait soucieux. Geneviève, qui ne l’avait pas interrompu dans sa méditation, lui dit alors :

— Écoute, ne va pas ce soir au bois de Varne. Reste ici.

Albert eut un haut-le-corps.