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au secours du tyran de Mersey pour aider à l’écrasement des grévistes !

— Ah ! s’écria Galfe, vous êtes les machines, le bétail de ce vieil exploiteur, de ce saligaud qui s’est vautré toute sa vie dans la paresse, le luxe et les jouissances, avec sa famille et ses pouffiasses ! C’est vous qui avez l’honneur d’entretenir ce maquereau social, et maintenant vous venez pour affamer des ouvriers comme vous ! Vous êtes donc tous des jean-foutre ?

D’ordinaire, Galfe n’usait point d’expressions grossières. Mais, cette fois, la colère l’emportait en présence de cet avilissement de sa classe, fournissant des mercenaires contre elle-même, à ses ennemis. Et le poète rêveur devenait tribun plébéien ; de sa bouche s’échappaient des paroles enflammées :

— Êtes-vous donc des lâches ou des brutes ? Ne comprenez-vous pas que vous êtes des hommes pétris de la même chair que vos maîtres et que vous avez les mêmes droits naturels qu’eux autres ? Combien gagne par jour un Schickler à ne rien faire ? Trente mille francs, au moins… peut-être le double ! Et vous, qui l’entretenez en travaillant dix heures, vous ne gagnez pas quatre francs ! Et vous n’avez pas l’intelligence de vous révolter ! Imbéciles !

Ces paroles furieuses impressionnaient les mineurs plus que des phrases persuasives. Le peuple aime à être invectivé ; les apostrophes qui, dites d’homme à homme, constitueraient un outrage, deviennent, adressées à la masse, un moyen d’action. L’effet produit par la véhémence de Galfe était d’autant plus considérable qu’on sentait en lui non le phraseur, mais l’homme qui, entraîné par une impulsion naturelle, irrésistible, parle avec tout son cœur. Des visages se faisaient sombres, des poings se serraient convulsivement et ce n’était pas à l’anarchiste que s’adressaient ces symptômes de colère. Non, ils