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le mouvement se propageait : à Pranzy, Montjeny, Jagey, dans toute la région, les puits vidaient leurs contingents d’esclaves, les chantiers se fermaient ; on rencontrait des bandes de grévistes parcourant le pays en entonnant la Carmagnole et d’autres chants révolutionnaires.

Sauf la bourgeoisie cléricale, la population sympathisait avec les mineurs. En vain, l’abbé Carpion avait lancé sur ces derniers les foudres de son éloquence, les stigmatisant comme des communistes pillards, prêts à tous les excès, incendies, pillages et viols, tous ces excès s’étaient bornés jusqu’alors à la détérioration de deux cages d’extraction et à l’enlèvement de quelques rails.

Les chantiers et la direction étaient d’ailleurs gardés par la troupe. La police et la gendarmerie n’avaient pas osé bouger le premier jour après la raclée reçue par les mouchards. De fait, Mersey se trouvait au pouvoir des grévistes : Détras et Bernard conseillaient de pousser les choses à fond, mais Ouvard leur objecta que ce ne pouvait être à quelques milliers de mineurs dont le noyau était un groupement de cinq cents syndiqués à donner le signal d’une révolution sociale.

— Possible, mais après tout, sait-on jamais ? murmura Détras.

— Non, répondit fermement Ouvard, ce serait aller à un écrasement. Travaillons seulement à généraliser le mouvement : le jour où du Brisot à Saint-Étienne tout le pays marchera avec nous, où nous aurons au moins à Lyon, à défaut de Paris, un sérieux point d’appui, alors nous verrons s’il n’est pas temps d’aller exproprier M. le baron des Gourdes.

Il parlait tranquillement, en homme réfléchi qui pèse, avant de se décider, le pour et le contre des choses. Secrétaire et maintenant meneur du syndicat, il sentait les responsabilités ; son esprit sérieux contrebalançait son tempérament énergique. La révolu-