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lutte, ses brutalités inévitables, ses impitoyables revanches d’écrasés. Il éprouvait, certes, une amertume à constater que les plus féroces dans leur vengeance sont généralement ceux qui ont davantage courbé le dos, subi sans oser se révolter toutes les vexations, toutes les insultes. Mais qu’y faire ? Il fallait bien prendre les hommes tels qu’ils étaient ; mieux valait encore se résigner à des excès que d’endormir les salariés dans leur misère en leur prêchant continuellement l’ordre et le calme.

Il se contenta de crier aux mineurs :

— Camarades, n’allez pas jusqu’à le tuer !

— En effet, murmura Détras, ça pourrait le rendre intéressant.

Les mineurs cessèrent de frapper Michet comme celui-ci venait de s’évanouir une autre fois. L’un d’eux courut dans l’établissement chercher une carafe d’eau qu’il lui vida sur le visage, ce qui le ranima.

On le remit debout, on le reculotta et sous les huées de tous, titubant, la poitrine gonflée de sanglots, il s’éloigna.

Après lui, on relâcha les hommes de sa bande ; ceux du moins qui pouvaient encore se tenir debout. Ils s’en allaient, la tête basse, quelques-uns pleurant et demandant pardon. Et les mineurs, ayant soulagé leurs rancunes sur Michet et sur deux ou trois autres particulièrement exécrés, les laissèrent partir.


VII

LA DÉFENSE DE LA DIRECTION


Moschin, afin de permettre à toute la bande Michet d’attaquer la réunion des syndiqués, avait fait appel aux sociétaires de la Vieille Patrie française pour garder militairement les bureaux de la direction et les chantiers. Ces jeunes guerriers, tout fiers de jouer un rôle qu’ils estimaient d’ailleurs sans péril,