Page:Malato - La Grande Grève.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cependant lorsque, ayant suivi sans protester son compagnon, il vit que celui-ci poussait une porte qui fermait l’entrée de la cour, il sentit l’épouvante le gagner. Brusquement, il se rejeta en arrière. Il était trop tard ! Détras avait poussé une énorme barre de fer qui verrouillait la porte et il s’était placé contre cette porte.

— Là ! fit-il tranquillement, nous serons plus à l’aise pour causer. Alors, vous dites, monsieur l’abbé, que vous ne me reconnaissez pas ?

Le prêtre était arrivé au comble de la terreur. D’un œil hagard, il considérait son interlocuteur sans pouvoir arriver à mettre un nom sur ce visage.

— Que me voulez-vous ?… Laissez-moi passer ! murmura-t-il d’une voix que l’émotion rendait rauque.

Et il saisit à son tour Détras s’efforçant de le tirer de côté pour se rouvrir un passage.

Mal lui en prit, une main de fer le saisit à la gorge, tandis qu’à son oreille épouvantée résonnaient ces mots :

— Bandit, tu as donc oublié tes victimes de Mersey ? Je suis Albert Détras.

La foudre tombant sur l’abbé Firot ne l’eût pas anéanti davantage. Livide, la sueur au front, les yeux roulant désespérément dans ses orbites, il offrait l’image même de l’agonie. Il ne dit pas un mot, pour une excellente raison, d’ailleurs, l’étreinte formidable qui serrait son cou l’empêchait de parler. Seulement, d’un geste instinctif, que sa profession lui rendait habituel, il joignit les mains.

Détras eut un rire muet, un rire terrible :

— Tu le vois, prêtre, marchand d’impostures, dit-il après l’avoir regardé un moment en silence, on sort du bagne quelquefois. J’en suis sorti pour venger ma femme restée en butte aux outrages et en proie à la misère, pour venger ma fille privée de son père, pour venger mes camarades de Mersey, condamnés sur ton faux témoignage, pour me venger moi-même. Tu es