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Au bout de trois heures de faction pendant lesquelles un roulier, ne ressemblant aucunement à Albert Détras, fut le seul hôte qui s’arrêta devant l’Étoile solitaire, Martine alla prosaïquement déjeuner à la Belle Aventure. Il mangea modérément pour demeurer alerte et se fit servir consécutivement deux tasses de café.

Puis il reprit son guet, s’éloignant cependant un peu plus de l’auberge afin de ne pas se faire remarquer, allant s’asseoir sous bois, lorsqu’il était las d’avoir marché.

Et toujours rien !

— Décidément, je ne suis plus qu’un imbécile ! murmurait-il, dépité. Mon imagination m’a fait prendre des vessies pour des lanternes et un vieux médaillé pour un forçat.

Ce fut à ce moment, s’étant éloigné de l’Étoile solitaire d’environ un kilomètre, qu’il croisa la petite Berthe.

— Ah ! mais, pensa-t-il, s’il est arrivé pendant mon sommeil, s’il se tient caché, je m’apercevrai bien de quelque chose, quand la petite sera là.

Et, rapidement, il reprit le chemin de l’Étoile solitaire.

Cependant, Berthe avait ralenti le pas ; puis, s’étant retournée, elle s’arrêta.

Derrière elle, à trente pas, marchait, dans la même direction qu’elle, un homme très différent de celui qu’elle avait rencontré.

Les cheveux et la moustache d’un blanc de neige, il paraissait néanmoins vigoureux. Sur la boutonnière de son veston bleu marine était piqué le ruban jaune de la médaille militaire.

Lorsque ce voyageur fut arrivé près d’elle, l’enfant put voir qu’il avait des yeux brillants restés jeunes et que sa figure portait l’empreinte du sérieux joint à la résolution. Néanmoins, l’expression n’en était point rébarbative.