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mesdames, trois mains coupées !… trois mains de traîtres, évidemment, car les affiliés de la bande étaient tenus de jurer qu’ils ne reculeraient, sous peine de mort, ni devant l’assassinat, ni devant le viol. Ce mot, le viol, fit à nouveau frissonner les femmes, même Mme  Ponette, que ses cheveux blancs semblaient mettre à l’abri des derniers outrages.

— Et tous ces malfaiteurs sont venus de Suisse ? interrogea Mme  Hachenin.

— Oh ! les chefs seulement, répondit l’abbé Brenier. Quant au gros de cette armée du crime, c’est la population ouvrière qui le fournit. Chose épouvantable à dire, il ne se trouve peut-être pas à Mersey deux mineurs sur dix qui ne soient prêts à faire cause commune avec les anarchistes.

Et, en disant ces mots, il regardait Chamot.

L’avant-veille, il l’avait averti des projets de ses ouvriers de fonder une société de secours mutuels et de se réunir dans les bois pour y discuter librement. Il ne pouvait préciser où, car le secret sur ce point était gardé par Ronnot, Détras, et quelques autres qui se chargeaient d’avertir leurs camarades au dernier moment. Aussi, le directeur de la Compagnie de Pranzy ne s’était-il point montré tout à fait aussi effrayé que l’espérait le prêtre.

— Mon cher abbé, lui avait-il répondu, je crois comme vous que mes mineurs sont travaillés par le mauvais esprit ; mais n’exagérons pas le mal qui est déjà assez grand. Toutefois, j’ouvrirai l’œil et vous avez ma parole que Détras sera frappé de mieux qu’un renvoi. Laissez-moi arranger cela.

Cette réponse n’avait qu’à demi satisfait le curé.

Un mot fait souvent plus que de longs discours. Ce nom « la bande noire », lancé par de Mirlont, qui l’avait entendu prononcer quelque part, bouleversa l’industriel plus que toutes les objurgations du prêtre.

— La bande noire ! murmura-t-il entre ses dents.