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poitrine, regardait cette fille laide à laquelle il n’avait pas dit jusqu’alors dix mots. C’était vrai ! Il l’avait prise ; mais séduite ?

Et tandis que l’idée d’un mariage avec la Lucette ne lui causait qu’une fièvre d’impatience, celle d’une union légale et à vie avec la Martine, lui faisait éprouver non pas une répulsion, mais une stupeur indicible.

Pourtant, par une antithèse bizarre, mais fréquente, son désir charnel s’exaspérait ; machinalement, ses mains avaient saisi la servante.

Celle-ci repoussa l’étreinte et s’enfuit contente. Elle avait maintenant lancé le grand mot à la fois au père et au fils. Avec le temps, ils pourraient s’habituer à l’idée de ce mariage, surmonter leurs répugnances. Elle manœuvrerait habilement pour les y amener.

Et elle se rappelait des histoires de madrées filles de fermes qui avaient fini par épouser leur maître, histoires autrement réelles que celles des rois convolant avec des bergères.

Cette paysanne ignorante manœuvra avec l’art consommé d’une coquette, se refusant à Jean jusqu’à ce que celui-ci, aveuglé non par l’amour mais par le sang qui lui montait aux tempes, répondît par des mots vagues qui n’étaient pas des promesses, mais qui n’étaient pas non plus des refus, à ses demandes de mariage.

Quel eût été le dénouement si Pierre Mayré fût resté de ce monde ? C’est ce qu’il est difficile de dire, car le fermier se préparait à répondre à toute allusion matrimoniale de la Martine, de la même façon que la première fois, et, en même temps, il commençait à songer pour Jean à une union assortie c’est-à-dire avec une villageoise ayant quelque bien.

Mais, au moment où l’on pouvait le moins s’y attendre, Pierre Mayré mourut, enlevé par un coup de sang. Dès ce moment, la Martine passa de la