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mot mystérieux, lancé par lui d’une voix mélodramatique : « La bande noire ! »

Chamot et des Gourdes se retournèrent.

— La bande noire ! fit en riant Jane Scheyne, mais c’est une invention de roman.

— Vous avez tort de plaisanter avec ces choses-là, fit gravement Mme  Ponette.

— La bande noire, une invention ! s’écria de Mirlont atteint dans son amour-propre de conteur… Je puis vous assurer, moi, qu’elle existe.

Cette déclaration péremptoire produisit dans l’assistance une sensation profonde, mélange de frayeur et de curiosité. Ce fut ce dernier sentiment qui l’emporta, lorsque Mary Scheyne, qui ne semblait pas plus épouvantée que sa sœur, eut dit au comte :

— Eh bien ! monsieur de Mirlont, puisque vous savez ce qu’est la bande noire, il faut nous le dire. Nous mourons d’envie de vous entendre.

Chamot, intéressé, s’était rapproché, accompagné de des Gourdes, qui, comme lui, écoutait.

— La bande noire, fit le comte de Mirlont flatté par cette attention générale, c’est une société secrète, révolutionnaire, anarchiste et internationale — cette énumération d’épithètes entraîna un frisson de l’auditoire — formée sur le modèle de la fameuse société La Marianne. Nierez-vous que la Marianne ait existé ?

Personne n’ayant eu l’audace de formuler semblable dénégation, le gentilhomme continua :

— Vous n’ignorez pas que les nihilistes russes, les socialistes allemands et les communards français échappés en 1871 à une répression malheureusement des plus insuffisantes, se sont réunis en Suisse pour y fonder le parti anarchiste et y élaborer un plan de guerre impitoyable à la société.

— Oui, c’est connu, murmura le commandant Estelin, tandis que l’abbé Brenier approuvait gravement de la tête et que Mme  Ponette levait au ciel des yeux angoissés.