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ni pire qu’un autre, plutôt intelligent, du moins possédant la somme d’intelligence pour s’assimiler les idées des autres et suivre exactement un plan tracé.

Il se maria et alors l’ambition lui vint. Sa femme, qui se sentait des goûts de grandeur et de dépenses, — tout est relatif — lui mit dans la tête de devenir un chef de mine. De la sorte, elle-même serait une dame.

Pour devenir chef de mine, il ne suffisait pas de connaître le service, il fallait surtout multiplier les courbettes et plaire à Moschin.

Canul chercha toutes les occasions de se trouver en tête à tête avec le chef policier, et cette occasion étant à la fin venue, il assura le redoutable personnage que son plus cher désir était de servir la Compagnie de toutes manières, espérant bien que ces messieurs de la Direction sauraient apprécier son dévouement.

Moschin sourit. Il savait ce que parler veut dire et méprisait profondément ceux qui venaient lui faire semblables propositions : mais il avait pour principe de ne décourager aucune bonne volonté.

— C’est bien, je verrai ce que je peux faire pour vous, répondit-il péremptoirement.

Depuis un an et demi environ, Canul était devenu mouchard. Il avait adhéré au syndicat et rien dans ses allures ne le désignait à l’attention des camarades qu’il espionnait.

Par exemple, lorsqu’il se hasarda à parler du poste de chef de mine, Moschin haussa les épaules.

— Vous nous êtes bien plus utile comme simple ouvrier, ricana-t-il. Chef de mine, cela vous désignerait aux soupçons de vos camarades. Non, vous n’aurez pas de galon : seulement, vous ne travaillerez qu’au boisage, ce qui n’est pas tuant, et vous trouverez un supplément de vingt sous par jour.

Canul avait eu d’abord un mouvement de colère. Ainsi Moschin s’était servi de lui et maintenant le