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le filet chargé de provisions, formant matelas, amortit la violence du choc.

Détras n’en perdit pas moins connaissance.

Lorsque, au bout de plusieurs minutes, il rouvrit les yeux et revint à lui, ce fut pour comprendre toute l’horreur de sa situation, mille fois plus terrible que celle où il se trouvait quelques heures auparavant.

Il était prisonnier maintenant, non plus dans un vallon où l’eau et les fruits, à défaut de gibier, ne manquaient pas, mais dans un précipice nu et désolé, où la soif et la faim ne tarderaient pas à avoir raison de lui lorsqu’il aurait vidé sa calebasse et épuisé les provisions de son filet.

De plus, il se sentait incapable de se lever, ayant le pied droit luxé, peut-être cassé.

C’était la mort inévitable, sans espoir, qui l’attendait en ce lieu perdu. Peut-être son agonie se prolongerait-elle quelques jours, une semaine, mais elle n’en serait que plus atroce.

— Cette fois, c’est bien la fin, se dit-il, évoquant l’image de sa femme et de sa fille.

Geneviève saurait-elle jamais en quel lieu désert et de quelle mort affreuse il allait périr ?

La pensée des êtres chers lui rendit son énergie habituelle et, quelque désespérée que fût sa situation, il se prépara à lutter jusqu’au bout contre la destinée.

La soif et la douleur qu’il ressentait à la jambe le torturaient également. Sa calebasse ne s’était ni brisée ni vidée dans sa chute et c’était un bonheur relatif. Détras la déboucha et but, mais il eut la force de volonté de n’avaler qu’une très faible gorgée, juste de quoi humecter sa gorge et ses lèvres brûlantes.

Puis il se déchaussa, déchira un lambeau de sa chemise et, l’imbibant d’un peu de l’eau qui lui restait, en enveloppa sa jambe gonflée au-dessus de la cheville. Il serra fortement cette bande.

C’était tout ce qu’il pouvait faire, et il se rendait