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Il pourrait le voir, lui parler, et, s’il le jugeait à propos, se faire reconnaître.

Pour cela il fallait attendre la fin du travail quotidien et aller au-devant du mineur, à quelque distance de sa maison, afin d’éviter les curiosités de la famille et des voisins.

Comme il allait revenir sur ses pas, se dirigeant vers le faubourg des Vert-bois, il vit surgir de l’épaisseur des taillis un jeune homme en costume débraillé dont le visage le frappa.

De son côté, le nouveau venu eut un mouvement de recul et appuya sur sa blouse pour y dissimuler quelque chose de mystérieux : un lapin indûment pris au collet.

Avec sa figure maigre et blafarde, trouée par deux yeux gris très vifs et ombragée par trois poils de moustache, le jeune homme offrait le plus pur type du voyou.

Mais ce qui préoccupait Détras, c’est qu’il croyait reconnaître cette physionomie.

Il ne se trompait pas : c’était Justin Bichu, petit-fils de la vieille et bigote chiffonnière, sa voisine, qui apparaissait, revenant de braconner. Une faiblesse de constitution et plus encore la protection des prêtres l’avaient fait exempter du service militaire. Aussi n’avait-il pas quitté Mersey.

De son côté, le jeune chasseur considérait Détras. Bien qu’il fût à mille lieues de le reconnaître, cette figure basanée et énergique lui inspira une confiance mêlée de respect. Le respect était sans doute dû au ruban jaune.

Justin réprima donc sa velléité de fuir et s’avança vers l’étranger qu’il salua militairement.

— Bonjour, mon ancien, fit-il.

— Bonjour, répondit Détras.

— C’est-y votre chemin que vous cherchez ? Vrai comme je m’appelle Bichu, vous tournez le dos à Mer-