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Ce qui l’indignait, c’était donc non la conduite attribuée à Geneviève, mais le ton sur lequel on parlait d’elle. Peu s’en fallut qu’il n’éclatât.

Heureusement, il était fort ; il se dompta et partit sans laisser soupçonner au vieillard quelle tempête se déchaînait en lui.

Geneviève, Berthe et Panuel avaient disparu. Où les retrouver ?

Comment s’informer sans donner l’éveil ?

Tout en songeant, angoissé, il marchait. Il était arrivé maintenant au haut de la côte, dominant le faubourg. Devant lui, était une masure qu’il reconnut, bien que dix ans eussent passé sur son toit crevassé : celle habitée jadis par la mère Bichu ; sans doute, la vieille chiffonnière était-elle morte. Et à cent pas, sur sa droite, s’élevait une autre maison, dont la vue fit battre son cœur, une maison basse aux volets verts, la sienne !

C’était là qu’il avait vécu avec son père ; c’était là qu’était mort le vieux Détras ; c’était là qu’il avait amené Geneviève Boulay, sa femme, qu’ils avaient passé leurs années de jeunesse, heureux l’un près de l’autre, s’aimant ! Là était née son enfant, sa fille, qu’il ne connaissait pas.

Détras sentit la tempête qui convulsait son cœur monter à sa gorge en un furieux sanglot. Il voyait, par la fenêtre ouverte, une femme, qui n’était pas la sienne, assise, cousant. Jamais il n’avait été à la fois si près et si loin de son foyer, maintenant perdu ; il se sentait mille fois plus malheureux que lorsqu’il était en Nouvelle-Calédonie, sous le gourdin de Carmellini.

La femme leva la tête et, l’ayant aperçu, le regarda. Lui aussi la considéra : c’était une femme quelconque, sans âge, peut-être moins de trente-cinq ans, peut-être plus de quarante.

Elle lui fit un salut de la tête, ce qui le fait tressaillir de surprise.